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Allocution de la présidente Rumina Velshi sur l'équilibre entre les genres dans le secteur de l'énergie nucléaire lors de la réunion de l'AEN OCDE

Le 11 février 2021
Virtuellement de Toronto (Ontario)

– Le texte prononcé fait foi –

Bonjour à tous,

Je me réjouis d’être parmi vous aujourd’hui, et je vous remercie de cette occasion de donner mon point de vue alors que nous entamons notre travail.

Une expérience récente m’a frappée.

Je suis tombée sur une photographie des finissants du cours de directeur de centrale nucléaire qui a eu lieu ici, au Canada. Que de souvenirs. Si vous ne le savez pas déjà, ce cours est une condition préalable à l’obtention d’un poste de cadre dans une installation nucléaire.

J’ai moi-même suivi ce cours il y a plus de vingt ans.

Je me souviens avoir lu la documentation préparatoire et appris que, selon le code vestimentaire, il fallait porter une chemise et une cravate.

Il n’y avait pas de code vestimentaire pour les femmes… parce qu’aucune femme ne s’était inscrite au cours. J’étais la première à le faire.

En passant, j’ai fait le choix de porter un foulard au lieu d’une cravate. Tous les jours. Durant trois semaines.

Je me souviens encore du sentiment d’être une sorte de pionnière. J’étais fière de ce que j’accomplissais, mais j’avais l’impression d’être à l’écart des hommes qui suivaient également le cours, qui me voyaient comme une anomalie ou une aberration.

Mais revenons à la photo. Il s’agissait d’une photo du groupe de finissants de l’année dernière.

Le code vestimentaire avait changé : il était plus décontracté. Mais quelque chose n’avait pas changé.

Encore une fois, le groupe ne comptait qu’une seule femme.

Cette seule image illustre une réalité encore trop répandue.

Il y a trop peu de femmes dans notre secteur.

Trop peu de femmes dans le bassin de talents.

Trop peu de femmes dans des postes d’autorité et de responsabilité.

Manifestement, nous avons beaucoup de travail à faire.

[Pause.]

Un reportage Footnote 1 remarquable a été publié au Canada il y a quelques semaines seulement : deux années de recherche et d’enquête sur ce que le journal a décrit comme un écart de pouvoir entre les genres dans l’ensemble de la main-d’œuvre de la fonction publique canadienne.

Il ne s’agit pas seulement, pour les femmes, de briser le plafond de verre au niveau de la haute direction.

Il existe également des obstacles semblables au niveau de la gestion intermédiaire…

… des obstacles qui empêchent les femmes, surtout les femmes de couleur, d’obtenir des postes d’influence et des salaires supérieurs.

Voici une citation de ce reportage qui résume bien le problème :

« Les femmes sont moins nombreuses, occupent des postes de niveau inférieur et gagnent un salaire moindre à presque tous les égards – au sommet, en chemin vers le sommet, au milieu, parmi les cadres et parmi les personnes ayant un salaire supérieur à 100 000 $. Et cela bien que, depuis trente ans, plus de femmes que d’hommes obtiennent des diplômes universitaires. »

Je suis convaincue que la situation est la même dans plusieurs autres pays.

Sans aucun doute, elle touche l’ensemble de notre secteur.

Mais je vois tout de même le bon côté : nous avons la chance de nous trouver à une époque où le changement semble possible…

… où de nouvelles voix et de nouveaux mouvements, dans le monde entier, favorisent l’égalité.

Et nous avons aussi la chance de nous trouver parmi un groupe de personnes qui ont réellement à cœur l’atteinte d’une égalité véritable au sein de notre secteur.

En quelque sorte, les planètes s’alignent.

Plus de femmes occupent des postes où elles sont en mesure de faire une différence en tant que mentores, dirigeantes et responsables de l’élaboration des politiques.

Nous avons des alliés influents qui s’expriment avec vigueur dans l’ensemble du secteur – y compris certains hommes occupant des postes de cadres supérieurs, comme le directeur général Magwood de l’AEN et le directeur général Grossi de l’AIEA.

Nous vivons à une époque où l’on se préoccupe davantage des questions de justice sociale, de l’importance de favoriser une réelle équité dans la société et dans le milieu de travail.

En outre, plusieurs gouvernements ne se contentent pas de parler d’une plus grande équité, ils prennent aussi des mesures décisives pour y parvenir – comme le fait le Canada. Nous avons atteint la parité des genres au sein du cabinet fédéral.

Nous pouvons donc choisir d’être découragés par l’absence de progrès en vue d’une réelle parité des genres.

Ou nous pouvons être motivés par les possibilités qui s’offrent à nous.

Pour ma part, je choisis la motivation.

Une porte s’ouvre.

Maintenant, c’est à nous de jouer. Nous devons proposer et promouvoir des mesures réalistes et significatives.

Comment pouvons-nous ouvrir davantage la porte pour que plus de femmes envisagent une carrière dans notre secteur?

Comment s’assurer que plus de femmes occuperont des postes accrédités dans les installations nucléaires à l’avenir?

Quelles mesures précises pouvons-nous prendre pour favoriser, de manière durable, l’amélioration de l’équité entre les genres?

[Pause.]

Grâce à sa portée et à son influence, l’AEN peut jouer un rôle de premier plan pour accélérer l’atteinte de l’équité entre les genres.

Elle peut contribuer à promouvoir les idées et les pratiques exemplaires. Ici au Canada, par exemple, le gouvernement fédéral utilise un outil appelé ACS+ –l’Analyse comparative entre les sexes plus – pour explorer et gérer les réalités et les iniquités changeantes des divers groupes de personnes dans le cadre de l’élaboration de nouveaux programmes ou de nouvelles politiques ou initiatives.

Il s’agit d’une manière utile de relever et de corriger d’importantes lacunes qui, auparavant, n’étaient pas détectées.

L’AEN peut contribuer en communiquant des exemples de réussite afin que l’on soit inspiré et motivé par les progrès réalisés par d’autres.

Et, bien sûr, elle peut contribuer en organisant des rencontres comme celle-ci, où nous pouvons discuter et débattre des mérites des approches stratégiques et d’autres tactiques possibles.

Selon moi, les données doivent représenter un élément essentiel de toute stratégie à l’avenir.

Nous ne pouvons pas corriger ce que nous ne voyons pas ou ne comprenons pas.

Nous devons donc avoir accès au type d’analyse de données qui nous aidera à comprendre, en temps réel, où nous nous situons sur le plan de la représentation au sein des conseils d’administration et de la haute direction.

Nous devons comprendre cette réalité dans le contexte de nos deux pays aussi bien qu’à l’échelle mondiale.

L’AEN a un rôle important à jouer à cet égard.

La pandémie et son impact constituent un autre bon exemple de l’utilité possible des données.

Nous savons que l’année difficile que nous venons de traverser a nui à la carrière de nombreuses femmes, de jeunes mères surtout.

Dans notre secteur, il est essentiel que nous comprenions l’ampleur du défi de sorte que nous puissions prendre des mesures pour faciliter la transition des femmes qui réintègrent la main-d’œuvre. Et pour les aider à regagner le terrain perdu.

Plus encore, nous devons redoubler d’ardeur pour accroître le nombre de femmes dans notre bassin de talents…

… pour repenser certains rôles afin que les mères puissent élever leurs enfants tout en conservant des postes importants assortis de responsabilités complexes;

… pour mobiliser les décideurs de l’ensemble du secteur – titulaires de permis et autres – et souligner leur rôle de gardiens qui peuvent avoir une incidence;

… et pour trouver et mobiliser des mentors solidaires.

Les programmes structurés de mentorat de haut niveau sont importants et efficaces.

Mais chaque personne peut faire une différence, ne serait-ce que pour une seule femme dans notre secteur.

Il y a toujours une personne qui peut bénéficier de votre expertise, de votre expérience et de votre soutien.

[Pause.]

Avant de terminer, je souhaite formuler une dernière idée.

Il y a plus de trente ans, je me voyais comme une sorte de pionnière.

En tant que femme dans un monde dominé par les hommes, j’ai été confrontée à beaucoup de résistance, beaucoup d’opposition et, pour être honnête, beaucoup d’absurdité.

J’ai dû me battre pour chacune de mes réalisations.

Il y a dix ans, si vous m’aviez parlé d’équité entre les genres, je vous aurais probablement répondu quelque chose comme ceci :

« Les obstacles sont faits pour être surmontés. L’adversité forge le caractère. Si une femme le veut vraiment, elle persévérera. Traitez-moi comme vous traiteriez un homme. L’égalité est tout ce que je demande. »

Aujourd’hui, je comprends mieux comment les obstacles manifestes et systémiques ainsi que les préjugés inconscients nuisent à l’avancement des femmes.

Je pense aux programmes d’accréditation ici au Canada – qui constituent une étape essentielle pour obtenir de nombreux postes de cadre dans notre secteur.

Et je pense à la manière dont ces programmes devaient être complétés dans un délai particulier, à défaut de quoi vous étiez rejeté.

Ce délai, imposé par l’organisme de réglementation, était absurde. Il n’était pas réellement pertinent.

Mais pour les jeunes mères, ou pour celles qui souhaitaient avoir des enfants, ce délai rendait presque impossible le respect du programme.

Elles devaient choisir entre leur famille et leur carrière.

Ces obstacles doivent être éliminés.

Ils doivent disparaître.

Notre secteur bénéficie grandement de l’inclusion et de la diversité.

Si nous voulons profiter pleinement des avantages de l’innovation, nous devons attirer les candidats les plus qualifiés et brillants dans notre secteur – et leur permettre de réaliser tout leur potentiel.

Si nous excluons toute une partie de la population, ou si nous n’arrivons pas à nous ouvrir à celle-ci, nous échouerons.

Il nous incombe – en tant que dirigeants, décideurs et influenceurs – de faire tout en notre pouvoir pour encourager les femmes à envisager une carrière dans le secteur nucléaire. Il nous incombe aussi de veiller à ce que les obstacles à leur réussite, qu’ils soient évidents ou inconscients, soient éliminés une fois pour toutes.

Ce travail se poursuit aujourd’hui.

Nous tous, qui participons à cette rencontre, nous avons en commun un objectif important.

Nous sommes disposés à accorder de notre temps à cette tâche importante.

Profitons-en pour avoir un réel impact.

Parfois, de tels défis peuvent sembler intimidants.

Nous reconnaissons le besoin de changement et nous en parlons… mais par où commencer? Comment pouvons-nous aborder un problème si profondément enraciné?

Voici le défi que je vous propose : mettons-nous à l’œuvre.

Il vaut mieux faire quelque chose que rien du tout.

Un peu de progrès est mieux que la stagnation.

C’est maintenant qu’il faut mettre en place les politiques qui favoriseront un véritable changement.

Et ce groupe est celui qui peut aider à mettre les choses en marche.

Nous convenons tous de ce qui doit être fait.

Et ensemble, nous pouvons commencer à bâtir l’avenir que nous souhaitons.

Je suis impatiente de voir ce que nous accomplirons ensemble.

Merci.

Footnotes

Note de bas de page 1

Doolittle, Robyn et Chen Wang, « The Power Gap: Women are Outnumbered and Outranked at Canada’s Vital Public Institutions », The Globe and Mail, publié le 21 janvier 2021, https://www.theglobeandmail.com/canada/article-power-gap-main (en anglais seulement).

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